Le dépôt des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025 a suscité de vives réactions face à la suppression d’avantages fiscaux et sociaux pour les PME, plaçant le CIR au centre des débats. Cette chronique revient sur les évolutions de ce dispositif pour éclairer son ascension en tant que dispositif fiscal envié à l’international.
Depuis plusieurs années, l’efficience du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et sa pertinence économique au regard des objectifs de développement de l’innovation et de la recherche sont régulièrement remises en question. Chaque période de dépôt de PLF s’accompagne de spéculations sur d’éventuels ajustements et de vives réactions face aux modifications envisagées. Celles du PLF et PLFSS 2025, prévoyant la fin du CII et des exonérations de cotisations patronales pour les JEI, ont particulièrement mobilisé les acteurs autour notamment des ajustements possibles du CIR pour maintenir ces avantages en faveur des PME. Dans ce contexte, nous proposons une rétrospective du CIR.
De la création du dispositif en 1983 à la réforme majeure de 2008
Créé par la loi de finances de 1983, le CIR visait à inciter les entreprises à investir davantage en R&D. Ce crédit équivalait à 25 % de l’accroissement des dépenses de R&D entre deux années, avec un plafond de 3 millions de francs.
Cependant, la faible augmentation des dépenses de R&D remettait en question son fonctionnement et son impact. En 1985, le taux passe alors à 50 % de l’accroissement, puis, en 1987, un crédit de 30 % du volume de dépenses réalisées entre l’année N et 1987 est introduit. Mais en 1991, ce dernier disparaît au profit d’un calcul basé sur l’accroissement des dépenses par rapport aux deux années précédentes (50 % de l’accroissement). Le taux des frais de fonctionnement est porté de 50 % à 75 %, et les dotations aux amortissements sont ajoutées à l’assiette.
En 1996, le rescrit fiscal CIR est instauré pour sécuriser les entreprises. En 1999, la restitution immédiate mise en place par la loi d’orientation pour l’aménagement du territoire en 1995 s’élargit à toutes les entreprises nouvelles, tandis que les autres peuvent mobiliser la créance via la Banque de développement des PME, future Bpifrance. La même année, il est prévu que les services fiscaux peuvent solliciter l’avis du ministère de la recherche sur le caractère scientifique des travaux. La loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche augmente à 100 % le taux des frais de fonctionnement pour les jeunes docteurs.
Si le CIR a beaucoup évolué depuis sa création en 1983, il n’était, jusqu’en 2004, pas une mesure permanente. Reconduit par le législateur par cycles pluriannuels, le bénéfice de ce dispositif était subordonné à l’activation d’une option par l’entreprise pour ces mêmes périodes, ce qui en limitait l’accès et par conséquent les retombées. Ainsi, après plus d’une décennie de désaffection par les entreprises, le CIR a connu, depuis sa pérennisation en 2004, des évolutions radicales qui ont permis de donner naissance à un dispositif plus simple et incitatif pour les entreprises.
Le CIR fut donc pérennisé en 2004 afin de le stabiliser. L’option exercée par les entreprises pour en bénéficier devenant annuelle, il est depuis plus simple d’en bénéficier. En 2004 également, une part du crédit en volume (5 % des dépenses de R&D) refait son apparition et vient compléter celle en accroissement pour répondre aux critiques concernant sa faible incitativité. L’assiette de dépenses est élargie, et la sous-traitance auprès d’organismes publics de recherche, d’universités ou de centres techniques industriels est prise en compte pour le double de son montant.
En 2006, des mesures viennent renforcer son attractivité : doublement des salaires des jeunes docteurs pendant 12 mois et frais de fonctionnement portés à 200 % pour ces mêmes profils, part en volume augmentée à 10 % et celle en accroissement à 40 %. Le plafond passe de 10 à 16 M€ en 2007. Cette même année, le remboursement immédiats’étend aux JEI et « gazelles » (scale-up).
La pérennisation du CIR en 2004 s’est donc accompagnée d’une simplification de son fonctionnement et de diverses évolutions démocratisant son usage et commençant à lui faire prendre la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.
2008 – Une réforme majeure marquant un tournant
La principale réforme du CIR intervient en 2008. Celle-ci fait disparaître la part du crédit en accroissement et le plafond de 16 M€. Le crédit correspond désormais à 30 % des dépenses de R&D lorsque celles-ci sont inférieures à 100 M€ et à 5 % au-delà. Une majoration de taux existait pour les primo-déclarants.
De plus, le bénéfice du CIR n’est plus subordonné à une option, ce qui démocratise encore son usage. Dès lors, une déclaration déposée hors délai ne peut plus être rejetée et doit être traitée comme une réclamation contentieuse.
Les principales évolutions de cette réforme incluent :
- l’allongement à 24 mois du doublement des salaires des jeunes docteurs
- la déduction des avances remboursables.
En 2011, le remboursement du crédit est pérennisé pour les PME, tandis que des justificatifs sont imposés aux entreprises déclarant plus de 100 M€ de dépenses. Une modification des taux majorés pour les nouveaux déclarantsest également apportée, et l’assiette des frais de fonctionnement passe à 50 % des frais de personnel et 75 % des dotations aux amortissements.
En 2012, une instruction fiscale a instauré le Manuel de Frascati comme référence officielle pour définir les activités de R&D éligibles au CIR, afin de clarifier les critères d’éligibilité et renforcer la sécurité juridique des entreprises en harmonisant les textes relatifs à la R&D.
Par la suite, en 2013, les majorations pour les nouveaux déclarants sont supprimées, et le Crédit d’Impôt Innovation (CII) est introduit pour les PME en étendant le bénéfice du crédit d’impôt initial à certaines dépenses d’innovation. Le CII couvre alors 20 % des dépenses d’innovation liées aux prototypes et installations pilotes de nouveaux produits, avec un plafond de dépenses brutes de 400 k€ par an. Il est néanmoins soumis à renouvellement. La même année, la modification du calendrier de paiement de l’IS pour les entreprises clôturant au 31 décembre reporte la date limite des déclarations CIR et de dépôt des rescrits.
Les ajustements réalisés les années suivantes incluent des mesures favorables aux départements d’outre-mer en 2015, étendues à la Corse en 2019, la télédéclaration devient obligatoire en 2017, des précisions sont apportées pour harmoniser le dispositif.
En 2020, un abaissement du taux du forfait des frais de fonctionnement du CIR/CII calculé sur les dépenses de personnel le fait passer à 43 %, et une obligation documentaire allégée est instaurée pour les entreprises déclarant plus de 10 M€ de dépenses. La sous-traitance éligible est également étendue au deuxième niveau.
Enfin, concernant les mesures les plus récentes :
- En 2021, le doublement des dépenses prises en compte pour les travaux confiés aux organismes publics est supprimé pour respecter le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, remplacé en 2022 par le Crédit d’Impôt en faveur de la Recherche Collaborative (CICO).
- La loi de finances 2022, en plus de proroger le CII jusqu’à fin 2024, a relevé son taux de 20 % à 30 %, augmentant son montant maximum à 120 M€.
Véritable levier économique et politique, le CIR a, depuis sa création, connu de nombreuses évolutions au gré des successions de gouvernements. Bien que son efficience soit régulièrement remise en question et son fonctionnement critiqué par des acteurs de tous bords, tous s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de son maintien. Une formule française, incontestablement stratégique, qui, sans nul doute, continuera d’évoluer pour répondre aux enjeux futurs.
Les points clés
- Création du CIR en 1983 afin d’inciter les entreprises à investir davantage en R&D.
- Pérennisation du CIR en 2004 afin de le rendre plus accessible.
- Modification majeure du CIR en 2008 instaurant un unique crédit de 30% calculé sur le volume de dépenses de R&D.
- Création du CII en 2013 par extension du CIR à des dépenses d’innovation réalisées par des PME.
- Diminution en 2020 du taux forfaitaire des frais de fonctionnement sur les dépenses de personnel.
- Fin, en 2021, du doublement des dépenses de la recherche sous-traitée à des organismes publics de recherche.
- Suppression en 2022 des frais de fonctionnement du CII et augmentation du taux à 30%.
Axel Lopez – Directeur du Conseil
Axel Lopez possède plus de dix ans d’expérience dans les métiers du conseil en financement de l’innovation et de la recherche. Après une première expérience dans le domaine pendant laquelle son expertise s’est forgée par l’accompagnement de grands groupes et sociétés cotées (CAC 40 et du SBF 120), il choisit, en rejoignant Businove en 2023, de mettre à profit son expérience en faveur de la structuration et l’optimisation des process CIR/CII et démarches R&D des PME et entreprises de croissance.