Le financement de la recherche publique, à travers le transfert technologique, joue également un rôle sur l’innovation des acteurs privés. En effet, à travers un cadre structuré d’aides financières et de politiques publiques en faveur de l’innovation et la recherche, ce transfert permet aux entreprises privées d’accéder aux résultats de la recherche publique ; à des inventions dont l’exploitation et la mise à disposition génère de l’innovation sur les marchés. Dans ce contexte, nous nous intéressons aux modalités de ce transfert entre recherche publique et recherche privée et à l’écosystème qui le facilite.
De quoi parle-t-on ?
Le transfert technologique est un processus de collaboration par lequel les découvertes scientifiques, les connaissances et la propriété intellectuelle issues de la recherche publique sont transférées vers le secteur privé.
Ce transfert se matérialise par la transformation des inventions et résultats scientifiques issus des établissements universitaires et instituts de recherche, en nouveaux produits, services ou procédés, susceptibles de dynamiser l’innovation dans les entreprises et de servir les intérêts de la société.
Parmi nos clients, plusieurs entreprises illustrent parfaitement la réussite d’un transfert de technologie. One Biosciences, par exemple, est une start-up spécialisée dans la génération de médicaments de précision exploitant la puissance des technologies de cellules uniques. Cofondée par l’Institut Curie, acteur majeur de la lutte contre le cancer, et Home Biosciences, premier « venture builder » biotech en Europe, One Biosciences combine l’accès à une plateforme avancée d’analyse et de séquençage de cellules uniques, ainsi que d’une expertise informatique unique provenant de l’Institut Curie.
L’entreprise ambitionne de devenir un leader des thérapies de précision pour les maladies difficiles à traiter, en se concentrant sur la compréhension des causes de ces maladies en capturant l’hétérogénéité des systèmes biologiques complexes. One Biosciences met en lumière des populations cellulaires rares et réalise une cartographie cellulaire des maladies.
Elle a acquis une licence mondiale sur des technologies et savoir-faire clés de l’Institut Curie, du CNRS et de Sorbonne Université, ainsi qu’une licence exclusive pour des logiciels dédiés à l’analyse des cellules uniques. De plus, ces entités ont établi une collaboration de recherche pour élargir les capacités techniques de l’analyse des cellules uniques, renforçant ainsi leur position de leader dans ce domaine.
En France, cette dynamique de transfert de la sphère académique vers la sphère privée, a pris une importance croissante avec la mise en œuvre de politiques comme l’Agenda de Lisbonne (2000), qui a défini des objectifs pour accroître la compétitivité européenne via la promotion de l’innovation.
Dans cette dynamique, le financement public joue un rôle prépondérant en facilitant d’une part, la maturation de ces découvertes jusqu’à ce qu’elles soient prêtes pour une exploitation commerciale, et d’autre part, la collaboration entre inventeurs publics et entreprises privées pour matérialiser ce transfert et permettre l’exploitation commerciales des innovations qui en découlent.
Par exemple, des dispositifs de financement de la RDI comme le CIR, les programmes d’investissement d’avenir ou encore le plan d’investissement France 2030 encourage les entreprises à collaborer avec des institutions de recherche publiques. Ces initiatives permettent de mobiliser les compétences techniques et scientifiques disponibles dans les laboratoires publics, tout en réduisant les risques financiers associés au développement de nouvelles technologies.
Comment s’organise ce transfert ?
Le transfert technologique peut se faire par divers canaux, formels ou informels.
Les canaux informels regroupent les contacts non contractuels entre la recherche publique et la recherche privée, telles que les conférences ou les publications scientifiques.
S’agissant des canaux informels, ils peuvent être regroupés en 5 catégories :
- la recherche partenariale contractuelle, principalement utilisées lorsqu’une entreprise désir avoir accès à des compétences humaines et techniques dont elle ne dispose pas en interne. Il s’agit d’un cas où l’entreprise finance une recherche publique sans y participer.
- la recherche partenariale collaborative, concerne une situation où une entreprise s’associe avec un ou plusieurs laboratoires publics pour réaliser un projet de recherche où les coûts, les ressources et les résultats sont partagés entre les partenaires.
- le transfert non partenarial, utilisé pour commercialiser des résultats de la recherche publique, en particulier par la concession ou cession de brevets déposés sur des résultats de la recherche publique, et les phases préalables éventuelles de maturation du projet.
- la mobilité des personnels de recherche. Celle-ci se fait généralement du public vers le privé. Pour l’entreprise, l’avantage réside dans le fait de pouvoir exploiter les compétences et les ressources du secteur public dont elle a besoin et de s’appuyer sur le réseau relationnel du personnel transféré. Du côté du secteur public et du personnel transféré, cela permet de trouver des débouchés pour l’insertion professionnelle des étudiants chercheurs et de favoriser le contact avec les entreprises.
- la création d’entreprises par des personnes issues du monde académique, étudiants ou chercheurs publics.
Toutefois, l’efficacité des processus de transfert de technologie dépend de nombreux facteurs au niveau du marché, tels qu’un nombre suffisant d’entreprises capables d’investir l’argent, le temps et les efforts nécessaires pour transformer les actifs de propriété intellectuelle en produits commercialisables ; un marché prêt à acheter le produit une fois qu’il a été entièrement développé et qu’il est prêt à être commercialisé ; une capacité d’absorption des entreprises pour assimiler les nouvelles connaissances et les appliquer à des fins commerciales.
Aussi, pour qu’un transfert de technologie aboutisse, les établissements universitaires et les instituts de recherche doivent opérer dans un écosystème d’innovation efficace, composé d’un réseau interconnecté d’institutions gouvernementales, privées et de recherche et de conditions propices. Parmi cet écosystème, divers organismes de transfert de technologique, universitaires ou commerciaux, ont pour mission de faciliter la gestion des droits de propriété intellectuelle et le transfert de technologie en comblant le fossé entre la recherche et la pratique. Ils appuient la collaboration et agissent en qualité de médiateurs entre les différentes parties prenantes de l’innovation, telles que les milieux universitaires et industriels.
En France, plusieurs structures facilitent ce transfert, telles que les Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologie (SATT), les incubateurs technologiques et les bureaux de transfert de technologie.
Quel impact sur l’innovation privée ?
Par le biais du transfert technologique, la recherche publique et son financement, contribuent favorablement à accroitre les efforts d’innovation réalisés par les agents privés.
Premièrement, il réduit la barrière à l’entrée pour les entreprises, en particulier les PME, en leur offrant l’accès à des technologies de pointe développées dans les universités et instituts publics.
Deuxièmement, il accélère le processus d’innovation en raccourcissant le temps entre la découverte scientifique et son application pratique. Cela est particulièrement important dans des secteurs en forte compétition technologique, comme l’aéronautique, la pharmacie, et le digital, où l’innovation rapide peut fortement modifier les marchés.
Par ailleurs, les politiques de financement public, telles que les PIA ou le plan d’investissement France 2030 encouragent également les entreprises à investir davantage dans des projets à long terme, qui sont souvent risqués mais potentiellement très lucratifs. En facilitant les collaborations public-privé, ces politiques créent un écosystème où les innovations peuvent être testées et affinées avant d’être mises sur le marché. Ces politiques favorisant également les projets dont la valorisation des résultats scientifiques est une composante majeure de leur réussite.
En effet, en France, la valorisation, est progressivement devenue un pilier des programmes de recherche publique et d’innovation. La plupart des appels à projet de recherche actuels intègrent dans leur évaluation une partie dédiée à la stratégie de valorisation des résultats, au partage de valeur avec les partenaires et de répartition de la propriété intellectuelle. Ces aspects sont pleinement intégrés au sein des cahiers des charges de nombreux programmes de recherche, et notamment des récents appels à projets France 2030.
A titre de conclusion, France Biotech, l’Association des entrepreneurs de l’innovation en santé, en collaboration avec KPMG, et avec le soutien de l’Agence Innovation Santé et de Bpifrance, ont publié en janvier 2024 la 3ème édition de l’Observatoire du transfert de technologie en santé.
Ce rapport, qui couvre la période 2020-2023, repose sur une étude réalisée auprès de PME innovantes du secteur de la santé (biotechnologies, technologies médicales, santé numérique) ayant conclu un accord de licence avec des institutions académiques françaises et les Offices de Transfert de Technologie (OTT) français. L’enquête a été menée auprès de 33 PME/ETI innovantes et 22 OTT.
L’Observatoire révèle une légère augmentation du nombre de licences dans le secteur de la santé par rapport à 2020, ainsi qu’une amélioration de la satisfaction des PME et des OTT concernant ces partenariats. Notamment, le pourcentage d’entreprises bénéficiant d’un accompagnement dans le cadre des négociations de licence a considérablement augmenté, passant de 53 % en 2020 à 85 % en 2023. Cet accompagnement s’avère particulièrement avantageux pour les primo-entrepreneurs.
Sur le plan opérationnel, en 2023, le profil type de la PME ayant conclu un accord de transfert technologique est celui d’une biotech thérapeutique en phase de développement préclinique ou de prototype. Ces entreprises ont en moyenne 6 ans, comptent 46 employés et ont levé en moyenne 2,3 millions d’euros. Parmi les entreprises interrogées, 85 % des biotechs sont des spin-off académiques et 82 % sont dirigées par des primo-entrepreneurs.
Le nombre d’accords de licence dans le secteur de la santé est également en légère hausse par rapport à 2020. Au total, 249 accords de licence ont été signés au cours des deux dernières années, dont 175 par des PME déjà établies et 74 par de nouvelles entreprises du secteur de la santé.
Parmi ces accords, 62 % proviennent directement de la sphère académique, 24 % sont issus de partenariats subventionnés par des financements publics entre entreprises et institutions académiques, et 14 % concernent des partenariats non subventionnés par des programmes gouvernementaux. A travers les 62% d’accords provenant directement de la sphère académique, cette répartition illustre l’Incitativité des mécanismes de financements publics mis en place pour soutenir la recherche publique et faciliter le transfert technologique.
Sources :
- https://www.wipo.int/fr/web/technology-transfer#:~:text=Le%20transfert%20de%20technologie%20est,de%20recherche%2C%20%C3%A0%20celles%20des
- https://www.alcimed.com/fr/insights/valorisation-recherche-publique/
- https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/etudes/2023/EtudeOFCE-04-2022.pdf
- https://france-biotech.fr/wp-content/uploads/2024/01/Etude_France_Biotech_2024.pdf
- https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/0f363dc5-b13e-41bd-94d5-499d7f1aaaa1/files/8ecc1a72-c832-4649-bb16-b7f1efc45882
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Auteur : Jules LeHouedec – Consultant aides et subventions